RESPONSABILITE CIVILE DE L'ORGANISATEUR
RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE DE L'ORGANISATEUR DE MANIFESTATIONS ÉQUESTRES
Intervention dans le cadre du 13 ème Congrès de l’Institut de Droit Equin, le 16 novembre 2007
En application du principe de non cumul des deux ordres de responsabilité civile en droit français (responsabilité civile contractuelle et responsabilité civile délictuelle), les personnes à l'égard desquelles la responsabilité délictuelle de l'organisateur de manifestations équestres est susceptible d'être engagée vont être celles avec lesquelles il n'a aucun contrat, exprès ou tacite.
- L'hypothèse la plus fréquente, dans laquelle la responsabilité délictuelle de l'organisateur sera invoquée, sera celle dans laquelle un spectateur non lié par un contrat subit un préjudice.
Cela concerne les nombreuses manifestations équestres gratuites, mais également les spectateurs d'une manifestation payante en situation de "resquilleurs".
- On peut enfin envisager plus largement la situation des tiers absolus qui peuvent être victimes d'une manifestation équestre (voisins, simples passants non spectateurs dans le cadre de manifestation organisée sur des lieux publics: voie publique, plages...).
I – LES FONDEMENTS DE LA RESPONSABILITE DELICTUELLE DES ORGANISATEURS DE MANIFESTATIONS EQUESTRES
Dans le secteur sportif ou touristique, comme dans le secteur des transports, le refus de l'idée de fatalité, un mouvement de faveur pour les victimes, outre le développement de l'assurance de responsabilité tout au long du XXème siècle ont généré, au-delà de la responsabilité pour faute prouvée découlant des dispositions de l'article 1382 du Code Civil, le développement de bon nombre de présomptions de responsabilité, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler un phénomène d'objectivation de la responsabilité civile.
A – Les hypothèses de responsabilités pour faute prouvée de l'organisateur de manifestations équestres :
Les jurisprudences publiées ne sont pas en la matière légion, et on s'en réjouira, mais on peut tenter de cerner les situations dans lesquelles l'organisateur pourra voir sa responsabilité recherchée sur ce terrain.
On peut procéder à cet égard à une distinction entre les fautes de commission et les fautes d'abstention :
1- les fautes de commission :
On citera sans naturellement pouvoir être exhaustif le fait pour l'organisateur de placer les spectateurs trop près du lieu de passage des chevaux, le maintien d'une épreuve dans de mauvaises conditions, qu'elles soient liées au terrain, au climat ou à la tombée de la nuit, à l’origine d’un accident pour un spectateur ou un tiers.
2- les hypothèses de fautes d'abstention :
On pourra mentionner à cet égard l'absence de dispositif de protection du public (absence de fléchage, de délimitation de zones, de pose de barrières, pour délimiter notamment le paddock, ou dans l'épreuve de cross du concours complet).
On pourra également citer l'absence de surveillance, au niveau du terrain de détente des épreuves de concours hippiques, de dressage ou de concours complet, et plus généralement pour tous les lieux de circulation, non seulement des chevaux, mais encore des engins nécessaires au bon déroulement de la manifestation (automobiles utilisés par les organisateurs, tracteurs…).
Dans toutes ces hypothèses, il devra donc être démontré par la victime l'existence d'un manquement de l'organisateur, son préjudice et le lien de causalité avec ce manquement.
Naturellement, en application des termes très généraux de l'article 1382 du Code Civil, ce manquement ne saurait être réduit au non respect des règlements par l'organisateur de manifestations équestres, mais concerne bien tous les comportements fautifs ayant pu engendrer un préjudice.
B – Les hypothèses de responsabilités objectives encourues par l'organisateur :
Le phénomène "d'objectivation" de la responsabilité civile n'a, encore une fois, pas épargné le secteur des manifestations équestres.
Ces hypothèses de présomption de responsabilité vont concerner la responsabilité de l'organisateur du fait des choses, du fait des chevaux dont il a la garde, du fait de ses préposés, ou encore la situation plus rare en pratique des troubles anormaux causés au voisinage de la manifestation équestre.
1- Responsabilité du fait des choses :
Dès 1896, la Cour de Cassation a dégagé un principe de présomption de responsabilité du fait des choses.
En application de ce principe, la victime n'aura pas à prouver la faute de l'organisateur lorsqu'à l'origine du préjudice se trouveront une ou plusieurs choses placées sous son contrôle et sa responsabilité.
- Cela vise toutes les infrastructures destinées à accueillir les manifestations séquestres : bâtiments, tribunes, tentes, boxes, écuries…
Cela peut concerner plus largement toutes les choses sur lesquelles l'organisateur doit avoir un contrôle : clôtures, arbres, boissons et aliments servis à la buvette...
2- La responsabilité du fait des animaux :
Plus spécifiquement et à côté du principe général de responsabilité du fait des choses dégagées par la jurisprudence, l'article 1385 du Code Civil institue une responsabilité objective à l'égard de celui qui a la garde d'un animal.
Cela va naturellement concerner tout organisateur de manifestations équestres qui utilise des chevaux dont il est propriétaire ou dont la garde lui a été confiée (spectacle, ballades gratuites à cheval, poney ou âne au cours d'une manifestation équestre…).
3- Responsabilité du fait d'autrui de l'organisateur :
Là encore, la Cour de Cassation a dégagé un principe général de responsabilité objective du fait d'autrui.
Ce principe général de responsabilité du fait d'autrui pourra par exemple être invoqué à l'encontre d'un organisateur dans l'hypothèse notamment du dommage causé par un adhérent du centre équestre dans le cadre d'une manifestation organisée par ce dernier.
Mais le plus souvent, c'est le régime de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés de l'article 1384 alinéa 3 qui pourra être invoqué.
Cela va concerner les salariés, mais plus largement tous les préposés dont les manquements vont engager accessoirement la responsabilité du commettant organisateur.
Cela suppose que le préposé en question n'ait pas la qualité de gardien d'une chose (véhicule automobile, cheval du préposé...).
Cela suppose en outre que la faute ait été commise par le préposé dans ses fonctions.
Cela signifie que l'organisateur ne peut être tenu en cas d'abus de fonction d'un préposé, c'est-à-dire que l'organisateur ne répondra pas des dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions, s'est placé hors des fonctions auxquelles il était employé.
Dans cette hypothèse l'organisateur commettant verra sa responsabilité engagée in solidum avec celle du préposé lui-même.
Lorsqu'il aura indemnisé la victime, le commettant pourra exercer un recours contre le préposé responsable au premier chef (recours que ne pourra exercer en revanche l'assureur de l'organisateur, sauf hypothèse de malveillance conformément à l'article L 121-12 alinéa 3 du Code des Assurances).
Ce texte est donc susceptible de s'appliquer à de nombreux collaborateurs bénévoles de l'organisateur : commissaire au paddock, ramasseur de barres, commissaire aux obstacles, personnes qui oeuvrent à la buvette, etc...
4- L'hypothèse des troubles anormaux de voisinage :
Cela visera de manière marginale la situation où les voisins d'une manifestation équestre subiront un préjudice dont le Juge viendra dire qu'il excède les inconvénients anormaux de voisinage : bruits, odeurs...
Cette théorie jurisprudentielle du trouble anormal de voisinage dispense la victime d'établir la faute de la personne à l'origine du trouble.
II – REGIME DE LA RESPONSABILITE DES ORGANISATEURS DE MANIFESTATIONS EQUESTRES
On peut s'interroger sur l'étendue de la responsabilité qu'encoure l'organisateur de manifestations équestres ainsi que sur les limites véritables ou apparentes à cette responsabilité.
A- Etendue de la responsabilité
1- Préjudice corporel :
Naturellement, les victimes d'un préjudice corporel pourront obtenir indemnisation.
Aucune particularité à cet égard n'est à souligner relative à la matière équestre.
Il faut donc se reporter au principe de réparation intégrale des préjudices gouvernant la matière, sans omettre de faire référence à la nouvelle nomenclature indicative dite "DINTILHAC", mais encore la Loi de financement de la sécurité sociale n°2006-1640 du 21 décembre 2006 qui impose désormais le recours poste de préjudice par poste de préjudice des organismes sociaux.
2- Décès de la victime :
Là encore aucune particularité n'est à souligner, sauf à rappeler que c'est sur le fondement de la responsabilité délictuelle que les ayants-droit pourront solliciter l'indemnisation de leur préjudice moral résultant du décès de leurs proches, ainsi que le remboursement des frais d'obsèques, et le cas échéant d’une préjudice économique découlant du décès.
3- Préjudices matériels
On peut essentiellement sous cette rubrique mentionner les dommages causés aux biens de la victime : préjudice vestimentaire, véhicules, poussettes...
B- LIMITES
1- Limites véritables : Les causes d'exonération.
Les causes exonérant l'organisateur de manifestations équestres de sa responsabilité vont être, outre la démonstration de l'absence de faute sur le terrain de l'article 1382 du Code civil, pour les responsabilités objectives, la force majeure, le fait de la victime ou le fait d'un tiers.
Il peut s'agir d'une exonération totale si le fait de la victime ou du tiers possède les caractères de la force majeure (imprévisibilité, irrésistibilité).
Il peut s'agir d'une exonération de responsabilité simplement partielle. On peut alors rencontrer différentes situations de partage de responsabilité entre l'organisateur et la victime (à titre d'exemple si la victime spectateur se trouvait dans un endroit interdit au moment de l'accident) ou encore entre la victime et un tiers (passant, commune participant à l'organisation, fabricant d'un matériel défectueux...).
2- Limites apparentes : le jeu de l'assurance.
Il s'agit évidemment d'une « fausse limite » dans la mesure où la responsabilité de l'organisateur sera bien engagée, mais la prise en charge du dommage, à l'exception de la franchise, sera le fait de l'assureur.
Il est à noter que s'il s'agit de manifestation sportive, la souscription d'une police d'assurance de responsabilité civile par l'organisateur est impérative;
En effet, aux termes de l'article 37 alinéa 2 de la Loi du 16 juillet 1984 (L331-1 et s. du Code du Sport), tout organisateur de manifestations sportives doit souscrire une assurance garantissant sa responsabilité civile, ainsi que celle des participants.
A noter que les manifestations sportives sur la voie publique requièrent une autorisation administrative préalable, l'article R411-29 alinéa 2 du Code de la Route disposant que "cette autorisation ne peut être donnée aux organisateurs des épreuves, courses ou compétitions sportives que si ces derniers ont contracté une police d'assurance couvrant les risques d'accident au tiers."